Il était une fois... un moulin (Textes de J.P. EHL)

C'est le comte de Berus, alors seigneur de tous les villages jusqu'à Bouzonville, qui le fit construire pour ses sujets il y a 400 à 500 ans. D'importants travaux de terrassement avaient été nécessaires pour édifier le bief collectant les
eaux des trois vallées.
A cette époque, le comté de Berus faisait encore partie de la Maison de Lorraine qui sera rattachée à la France en 1766. Au XVIIe siècle encore, de la Prévôté de Berus dépendait même Bouzonville et son abbaye. Le tracé actuel de la frontière (1815) a séparé Berus de ses vassaux. Peu de frontaliers connaissent l'histoire de ce passé au cours duquel notre moulin a sans doute joué un rôle important.

On venait de loin chez feu M. Contel1y du moulin Felschling. On y vient encore chez Gaston Thiel et de très loin quelque fois. Pourtant l'ère des meuniers est bien révolue.

En novembre 1944, les troupes américaines ont démantelé les installations extérieures du moulin Felschling pour renforcer un pont avoisinant. Les gens d'un certain âge aiment évoquer un spectacle qui, quand ils étaient gosses, les fascinait. Image vieille de plus d'un demi-siècle, elle est toujours présente dans bien des mémoires : le meunier lève la pale, le flot se rue, rebondissant sur les aubes jusqu'à ce que la roue noire et moussue s'ébranle et tourne entraînant les énormes meules.

Meunier, tu dors !

« Quand on jouait dans !es parages, raconte un septuagénaire, il arrivait quelquefois que la roue immobile semblait assoupie. Le meunier et son moulin faisaient la sieste. On décidait en douce de réveiller le dormeur. Le plus déluré se faufilait jusqu'à la pale, la levait un peu et rejoignait en vitesse ses camarades réfugiés dans une cachette repérée d'avance... Attente... de courte durée. M, Contelly apparaissait, remettait les choses en place avec force jurons ». Le maître d'école, avisé par le maître meunier, faisait son enquête. A cette époque, les instituteurs de villages s'occupaient
de toutes les diableries faites après la classe par les écoliers.

Triple châtiment

« Punition No 1 : la traditionnelle et banale fessée. Ce n'était pas le plus terrible, ajoute le conteur, avec un sourire. On avait la peau dure, même celle des fesses.
Punition No 2 : un verbe à conjuguer, à tous les temps, à tous es modes, généralement le verbe moudre, verbe qui était la bête noire des garçons.»

LES MEUNIERS DU FELSCHLING

Le paragraphe suivant est tiré d'un opuscule réalisé par M. François FOLSCHWEILLER de 57380 GUESSLING.

En 1543 on parle du moulin de Felzingen situé entre les ruisseaux le Dorbach et le Weisbach à gauche de la route qui mène de Merten à Berviller-en-Moselle. Le meunier était M. Christman de Rémering-les-Hargarten.

En 1544 le comte Anton de Berus se sépara de ses biens. A partir de cette date, Anna de Isemberg, comtesse de Berus, régna sur la région pendant 37 ans, jusqu'à sa mort le 28.7.1581.

Le moulin existe donc depuis plus de 400 ans. D'après l'inscription 1737 sur les dépendances, il y a lieu de penser qu'on a fait des transformations sur l'ensemble du moulin.
L'ors d'un recensement des maisons en 1593, le lieu avait pour nom "le moulin de Feltzlingen" et le meunier était M. Andres.

Par la suite les meuniers suivants habitent le moulin :
Nicolas Sorg en 1636.
Claude Irig en 1684.
Le propriétaire de 1701 à 1707 est Gilles Cornet.

Jean Nicolas Folschweiller est meunier au Felschling de 1686 a 1712.
A la même époque, on citera également Claude Folschweiller.
Ce dernier était aussi le premier meunier du moulin de Biblingen, annexe de Merten de 1686 a 1689, moulin qui a été construit deux ans auparavant.
Claude n'a pas laissé d'autre trace puisqu'on ne trouve pas de descendants. Probablement célibataire, mais vivant à la même époque que Jean Nicolas, il y a lieu de penser qu'il était le frère de ce dernier.
Jean Nicolas Folschweiller était donc l'ancêtre de tous les Folschweiller qui sont nés après 1690.

Un acte nous informe que Jean Nicolas, demeurait à Berviller avant l'acensement du moulin, puisqu'il figure au pied terrier de 1711.
Jean Nicolas est décédé le 23.6.1733.
C'est à cette époque que les enfants réclament leurs parts d'héritage à leur frère Jean en place au moulin depuis 1745. Ils engagent un procès contre leur frère et la veuve de Jean Nicolas, Anne Schoune.
Jean a été avantagé vis à vis de ses frères et soeurs, car lors du décès de Suzanne Loew vers 1710, Jean Nicolas a abondonné aux cinq
enfants la succession maternelle.

Avec sa seconde épouse Anne Schun, Jean Nicolas avait pris par acensement perpétuel le moulin du Felschling le 12.11.1720. Ayant marié son fils Jean par contrat de mariage avec Marguerite Weichers, il lui a abandonné la moitié du moulin. La seconde épouse de Jean Nicolas a fait don de sa part à Jean. Jean reste meunier au dit moulin de Felschling jusqu'à sa mort en 1750. Il a d'ailleurs été enterré dans l'église de Berviller. Un an après son décès le 27.4.1751, sa Veuve Marguerite se remarie avec Henri Haas de Hargaten, fils de Stephan Haas et de Anna Maria Amtmann.

Ce qui est très intéressant, c'est de constater que Henri était né le 14.9.1727, et en comparant les dates de naissance des enfants de Marguerite, on remarquera que Henri était plus jeune que ces derniers. Marguerite est décédée en 1774 ; elle aussi a été enterré dans l'église de Berviller.
Quant à Henri il a épousé le 12.9.1775, en seconde noces, Anna Katharina Breitbeil, fille de François Breitbeil et de Marguerite Cheneveau de Bibiche.
Henri était donc au moulin de 1751 a 1778.

Les esprits n'étaient pas encore calmés en 1772 puisque les descendants de Jean Nicolas demandaient à nouveau une expertise du moulin dont voici un extrait :

Expertise du 11 Mars 1772. Estimation des biens provenant du propre de Jean Folschweiller. Expertise et évaluation en prix d'argent du fond et rapport du moulin du Felschling.

Suite à la demande des enfants et gendres de Marguerite Weichers, étaient présents sur les lieux : Henri Haas et Marguerite Weichers sa femme, Mathias Folschweiller et Christophe Antonmayer.

Il ressort de la même expertise que Berviller et Rémering étaient les seuls banaux du dit moulin du Felschling. Berviller était habité à l'époque, d'après les affirmations du Curé, de 346 personnes de tous âges, en plus de la maison du Curé qui comporte cinq personnes. Rémering était habité de 250 personnes en plus de la maison du Curé de 4 personnes. Le moulin fournissait donc la farine pour ces deux villages

De 1753 à 1785, on citera la présence au moulin du Felschling de Guillaume TERBISCH, époux de Elisabeth fille de Jean Folschweiller et de Marguerite Weichers, qu'il épousa le 12.1.1751 à Berviller.

On citera par la suite les meuniers suivants au moulin :

Nicolas Klein de 1785 à 1786.
Jacques Dufren de 1790 à 1797.
Jean Ordener de 1793 à 1794.
Jean Altmayer, époux de Catherine, fille de Jean Folschweiller et de Marguerite Weichers, habitait le moulin à partir de 1793.
Entre temps Jacques né en 1709, frère de Jean, était meunier au moulin de Hallering annexe de Marange/Zondrange depuis 1735 date de son mariage avec Anne Gassner, fille du meunier Alexandre Gassner et de Suzanne Collin de Guinglange.

En 1754 Jacques est revenu dans le pays, ayant pris en gérance le moulin de Bibling, annexe de Merten jusqu'en I763 année de son décès. Son épouse Anne est décédée en I758 à Bibling.

Le fils Mathias né en 1749 à Hallering, âgé de 35 ans, épousa Jeanne Humbert de Merten, fille de Jean Humbert et de Anne Kieffer de Kerlingen.
Mathias, prend la gérance du moulin après le décès des parents.

Pour conclure nous pouvons confirmer que Jean Folschweiller né en I694, est l'ancêtre des Folschweiller de Berviller, de la Sarre et de
la région parisienne, et que Jacques né en 1709 est l'ancêtre des Folschweiller de Merten.

Le moulin de Bibling est resté la propriété des Folschweiller et l'est encore aujourd'hui. Le dernier des meuniers a été Aloyse Folschweiller, lui même fils de meunier, né en 1931.
Ce qui signe la fin des meuniers de ce nom.

Un acte de vente du moulin de 1842

L'ange du pont

Il y a quelques années, suite à des travaux sur le pont du moulin de Felschling, des ouvriers communaux s'étaient rendu sous celui-ci et y avaient aperçu un ange. Personne ne les ayant pris au sérieux, nul ne s'est intéressé à l'ange et il fut très vite oublié. Au début de l'année, au cours des travaux de pose des canalisations menant à la station d'épuration, des agents de la DDA (Direction départementale de l'agriculture) ont à nouveau remarqué l'ange sous le pont, l'ont photographié et ont envoyé quelques images en mairie. Prévenu, notre correspondant s'est à son tour rendu sous le pont pour observer et photographier l'ange dont tout le monde commençait à parler.
De quel ange s'agit-il donc ? Quand et comment est-il arrivé là ? Dans quel but l'y a-t-on placé ? Un peu d'histoire nous donnera peut-être la réponse à ces questions.
À la fin de la guerre 39-45, au mois de novembre 1944 exactement, le vieux pont voisin du moulin de Felschling avait été dynamité par les Allemands pour ralentir l'avance des chars américains. Pour remédier à la situation, les soldats U.S. ont démantelé les installations extérieures se trouvant autour de la roue à aubes du moulin pour combler le ruisseau et réaliser ainsi un lieu de passage pour leurs énormes chars.
Quelques mois plus tard, pour redonner au ruisseau un cours normal et permettre le passage correct des véhicules, les édiles de la commune ont donc décidé la reconstruction du pont. Les travaux ont été confiés à Messieurs François Zenner et Ernest Molténi. M. Zenner était chargé du transport du matériel et M. Molténi de la réfection du pont. Ce dernier, originaire d'Italie et maçon de son état, a réalisé un pont en béton. En coulant le béton de la culée (côté) droite du pont, il y a incrusté un médaillon en porcelaine de 8 x 5 cm représentant un ange et trois angelots. Dans quel but ? Sans doute pensait-il placer ici un ange gardien du pont pour que, de cette façon, il ne soit plus détruit. Jusqu'à ce jour, l'ange a fait le travail qu'on attendait de lui mais pendant plus de soixante ans personne n'a soupçonné sa présence en ces lieux.