La construction du lavoir

      Sise au coeur du village auquel elle conférait un certain cachet, la fontaine lavoir abreuva de son eau bêtes et gens pendant près d'un siècle. Sa naissance connut une histoire un tantinet cocasse transmise par le prisme, peut-être un peu déformant, du bouche à oreille. Avant que le temps, n'en ait effrangé le souvenir, voici le résumé de sa naissance. C'est le 9 février 1862 que le conseil municipal décida la construction du lavoir, après avoir ainsi délibéré :

       « Le président a exposé au conseil que les habitants de cette commune réclament vivement et depuis longtemps un lavoir couvert pour mettre les laveuses à l'abri de la température rigoureuse et pour les séparer des bestiaux qui sont abreuvés journellement dans les mêmes auges dont les laveuses se servent pour purifier le linge malpropre et sale ».

     Adjudication fut donc faite. C'est le sieur Pierre Jager, l'arrière grand-père de Péta et de Anna Deimer, qui le construisit pour la somme de 2251 F.

Weibchen et Daïv'l

M. Varin, architecte de Metz, en avait conçu le plan. L'abreuvoir réservé aux chevaux était une petite merveille. Le buste d'une superbe naïade à la poitrine bien modelée l'agrémentait. On le surnomma Weibchen, ce qui signifiait sans doute dans la bouche des jeunes gens des années 1860, jolie petite femme. Tout en abreuvant les bêtes, on guignait la magnifique poitrine dont la dame montrait les atours et les contours. Cela ne dura que l'espace d'un été. Certains propos un peu trop licencieux choquèrent les prudes oreilles de quelques vieilles dévotes en train de laver. Pour leur plaire le curé exigea sa disparition. On obtempéra. Un beau jour la jolie petite femme s'en alla au grand dam de la jeunesse masculine, orner une autre fontaine.
On la remplaça par un faune barbu et cornu qui n'était pas sans beauté, il existe toujours, mais la jeunesse sans doute par dépit, le baptisa Daïv'l, le diable. Les deux surnoms sont restés jusqu'à nos jours. Quand une vache trempait son museau dans cet abreuvoir on la chassait sans pitié : Allez ! ouste ! va plus loin, la Weibchen est réservée aux chevaux !

Le progrès destructeur

La fontaine aura vécu un siècle environ. C'est peu pour un être de pierre, mais progrès oblige. Lors de la réalisation du réseau d'eau potable, le service du génie rural posa une condition sine qua non pour que les travaux soient subventionnés : destruction de la fontaine lavoir. Ce monument vénérable étant de belle facture, sa disparition suscita bien des réticences et des regrets. On expliqua aux édiles que cette bâtisse était devenue sans fonction, qu'elle finirait par se délabrer. Ces messieurs ajoutèrent que les paysans, économes de nature, continueraient à abreuver leurs bêtes à la fontaine, d'où manque à gagner pour la commune. En cela ils avaient raison. Payer de l'eau, ce don de la nature, était pour certains une notion inconcevable. Quelques irréductibles allèrent abreuver leurs chevaux dans le ruisseau de la Gouane.

Pour se souvenir de la fontaine

Mais les générations passent, la vieille fontaine est morte et bientôt son souvenir sera effacé. Pas tout à fait cependant car un jeune bricoleur de génie l'a reproduite en miniature avec beaucoup de talent. Cette résurrection lui a demandé pas loin d'une centaine d'heures de travail. Christian Humbert a utilisé de vieilles photographies, s'est renseigné auprès des anciens de Berviller pour mener à bien sa tache. Travail mais plaisir aussi.
Sur la façade de Jules et de Francisse, un peintre sarrois a réveillé, lui aussi, le souvenir de la fontaine-lavoir.
En 2004, le Conseil Municipal décida de reproduire, bénévolement, la façade de l'ancien lavoir sur la place Saint-Rémy qui fut
réaménagée et modernisée.